lundi 1 août 2011

Patricia - témoignage transmis par Isabelle

Je ne veux pas que ma fille soit rejetée et qu’à 16 ans elle dise « j’arrête l’école »

Je n’ai jamais vraiment réussi à apprendre à l’école, pourtant je crois que j’aurais pu apprendre. J’ai fait mon CE2 à 12 ans et je suis ensuite passée directement en 6ème et 5ème SES. Puis j’ai arrêté l’école, j’en avais marre, je n’apprenais rien et je ne supportais plus l’école.

Mais cela venait d’avant. Dans ma famille, on a toujours rejeté parce que la vie était difficile. A l ‘école primaire, je n’avais pas de copine : on me rejetait parce que j’’étais mal habillée et parce que j’avais les cheveux trop courts.
On nous traitait mon frère et moi de pouilleux. Mais on n’était pas les seuls ; il y avait d’autres enfants aussi qu’on traitait comme cela.
Mon frère a commencé à faire l’école buissonnière et moi petit à petit je ne voulais plus aller à l’école. ça n’allait pas.
A l’école, ils disaient que c’était ma mère qui était responsable de tout. A une réunion de parents, l’institutrice a dit à mon père « quand vos enfants seront propres, ils auront des copains ! ». moi je n’en ai jamais eu.
Ma mère ne voulait pas aller à l’école ni aux réunions : elle ne savait pas quoi dire. Elle était passé par là elle aussi ; elle nous l’avait dit à Papa et à moi.

Mes parents voulaient qu’on apprenne. Mon père disait que ce serait mieux d’avoir un métier que de traîner les rues. Pendant les vacances, il nous achetait des livres d’exercices pour voir si on avait compris ce qu’on avait appris à l’école.
Mais ça n’allait pas ; il y avait trop de soucis à la maison et on ne pouvait pas travailler en rentrant. Mon cerveau ne suivait pas, je n’arrivais pas à apprendre.
Mon frère n’allait plus à l’école et moi je me cachais. Ma mère m’a reconduite plusieurs fois à l’école. Les maîtres sont venus nous chercher, mais ils n’ont jamais vraiment soutenu ma mère, ni essayé de comprendre pourquoi c’était comme cela.
Ils disaient « si vos enfants ne viennent pas à l’école, on prévient l’académie »
Un jour le directeur a dit « je vais faire un rapport pour dire que vos enfants sont malheureux ».

L’école a porté plainte contre Maman : la police est venue chez nous. Tout le monde s’est ligué contre ma mère dans le quartier.
Pour vivre, il fallait se débrouiller et un jour l’assistante sociale a appris qu’on faisait les containers derrière les supermarchés. Et que mon frère avait des boutons avec de la viande peu fraîche.
On est parti en foyer, mais là non plus je n’ai pas réussi à apprendre. J’étais en SES et j’en avais marre, parce que je n’apprenais rien. On faisait toujours la même chose.
Quand on fait une SES, on sait bien qu’on ne passera jamais où les autres passent, comme ceux qui vont à l’université à 18 ans.
Je savais qu’une fois qu’on aurait fini toutes ces classes, on n’aurait rien, qu’il faudrait tout recommencer.
Pour apprendre il faut savoir où on met les pieds, ou on va
Aujourd’hui je suis maman et je veux que ma fille réussisse. Je ne veux pas qu’elle soit rejetée et qu’à 16 ans elle dise, j’arrête l 'école.
J’apprends avec d’autres mamans du quart monde comment faire pour l’aider à progresser.

2 commentaires:

  1. Je trouve que ce texte se prête bien à une lecture sobre, sans mise en scène.
    Nicolas

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  2. Je suis d'accord, ça pourrait être une sorte de "pause" dans la représentation, avec ce témoignage véridique et qui parle de lui même.
    Blandine

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